mercredi 23 mars 2011
Douce France IV
Je suis le fruit d’une norme NF,
Sans capote on cabota,
Et me voilà !
J’vais essayer d’être brève,
Vous raconter ma vie française
D’une gosse précoce
Qui découvrit l’atroce
Après d’heureuses années
Chez mes parents passées.
A trois ans on m’offrit
Ma première Barbie,
J’adorais les poupées
Et ce serait princesse mon métier.
J’avais tout plein de jouets
Mais ce que je préférais
C’était quand papa jouait
A me faire tourner.
Dans tous les sens je virevoltais
Et jusqu’aux éclats on riait
Quand maman arrivait
Et qu’elle était terrorisée.
A quatre ans j’allais en maternelle
Et au début je pleurais
J’aimais bien trop
Mon p’tit berceau
Et quand on m’amenait
Je voulais repartir à tire-d’aile.
A cinq ans je m’y habituais
Et j’avais plein de copines
Et même des amoureux.
Dans la cour de récré
Ils me couraient après
Et je ne m’arrêtai qu’une fois ou deux.
A six ça y est, le CP,
Et les histoires
On les lisait à deux.
Avant de m’endormir et le dernier baiser
Elle me disait que plus tard
Ça serait encore mieux
Elle me donnerait ses livres
Des livres de grands
Où on voit les gens vivre
Vivre des choses de grands.
A sept ans,
On est parti en vacances,
En vacances à la mer.
C’était super !
Avec toutes ces vagues qui dansent,
Papa qui nous arrose
Et puis maman,
Qui sous l’soleil devient toute rose.
La mer c’était tellement géant
Que je pouvais pas y aller
Sinon on me grondait.
Je savais pas encore nager,
Et c’est vrai que l’eau était salée.
A huit ans,
Un soir qu’ils étaient invités,
Loin de pleurer,
J’étais contente qu’ils s’en aillent
Parce qu’arrivait ma baby-sitter,
C’était ma grande sœur
Et on jouait aux canailles.
Mais ils sont pas rentrés.
Papa n’est pas rentré,
Maman n’est pas rentrée.
Ils m’ont abandonnée.
Dans leur voiture
Ils sont partis pour le mur.
Et j’avais pas de grande sœur,
C’était qu’une baby-sitter.
J’avais ni frère, ni sœur,
Il me restait plus que des pleurs.
A neuf ans, depuis deux mois
Chez grand’maman et grand’papa,
Je n’pensais qu’à
Ma belle maman, et mon gentil papa.
Alors je pleurais
Et grand’maman me donnait des fessées.
Grand’papa me consolait alors
Il me prenait dans ses bras
Et me disait « alors mes cheveux d’or,
Faut pas crier comme ça,
Tu sais que grand’maman t’adore,
Mais chez elle on ne crie pas ».
Je l’aimais bien mon grand’papa.
Il était toujours là,
Et s’occupait de moi.
Mais grand’maman c’était toujours
Des « fais-pas-ci, fais-pas-ça »
Et quand on était à deux
Elle me laissait dans le séjour
Sans faire attention à moi,
Et disait « les enfants, c’est pas un truc de vieux ».
Mais bon, elle était pas si méchante
Quand je ne criais pas.
Elle savait même être charmante
Quand je l’aidais à ci ou ça.
A dix ans,
Je m’y faisais,
Ce n’était plus si chiant
Ni angoissant
Je voyais d’autres enfants
Mais toujours ils me demandaient…
« Elle fait quoi ta maman ? »
Et je pleurais.
Alors j’allais voir grand’papa.
Il me prenait sur ses genoux
Mais depuis quelques temps,
Ce n’était plus si mou
Et il était bizarre
Avec ses yeux hagards.
Aussi je remarquai
Que les câlins ne se faisaient
Que quand grand’maman
Etait partie.
Il ne voulait plus seulement me consoler
Il voulait « juste me câliner ».
Au début ça me surprit.
Puis j’y pris l’habitude,
Mais son visage changeait
Et ses caresses étaient moins prudes.
A onze ans, il me montrait son zizi.
Je l’avais vu sur mon papa aussi
Mais il était pas pareil,
Celui de mon papa était petit,
Tout rabougri.
Celui de grand’papa était énorme
Pas la même forme.
Et j’avais peur
Quand dans son pantalon
Je voyais cette bosse.
Alors coulaient mes pleurs
Parce que c’était pas bon.
Mais toujours il me disait
Que c’était un secret
Que grand’maman crierait
Si elle l’apprenait
Et sortirait
Le martinet.
Et à personne fallait le dire,
Sinon c’était le trahir.
Et comme je l’aimais
Et que j’avais nulle part où aller,
Le mieux c’était le secret,
Sinon dehors j’irais coucher.
A douze ans au collège,
Je commençais mon florilège,
Les conneries s’enchaînèrent
Au rythme de toujours plus qu’hier.
Je m’en foutais,
Car plus je restais à l’école
En colle
Moins y’avait de pépé qui me colle
Et mémé pouvait bien me fesser
Je l’endurais sans broncher
Et quand elle sortait le martinet,
Toujours je m’enfuyais.
C’est qu’elle courait pas vite
La décrépite.
A treize ans,
Malgré les protestations du vieux vicelard,
Mémé pensa me mettre au placard.
En pensionnat j’irais,
Peut-être sauraient-ils me calmer,
Car à leur âge on ne pouvait
D’une furie s’occuper.
Je lui donnais raison,
Et j’étais sage,
Eviter à tout prix
Qu’ils me renvoient dans leur maison.
Et pour un an je tournais la page,
Mais les vacances ont suivi.
Ainsi que l’innommable.
Mais je fus si insupportable
Qu’elle m’envoya en colonie.
Au fond, cette grand’maman je la chéris.
Elle faisait tout
Pour m’éloigner de lui
Et ses ignobles bisous.
A quatorze ans,
Toujours moins sage,
J’étais déjà volage.
Avec les lycéens, les grands.
Ces grands dont avait parlé ma maman,
Ces grands des livres aimant.
Bien sûr, je pleurais ma maman.
Elle m’avait pas dit ça des grands.
Elle m’avait pas parlé des glands.
Finalement, ils étaient tous comme grand’papa,
Mais je les connaissais déjà,
Avec cette seule chose qui leur fait plaisir,
Les faire jouir ;
Avec tous les secrets qu’on doit garder
Et pas parler de leur gland à masser.
Ces glands qu’on doit aussi sucer
Pour pas se manger des marrons.
Mais j’y trouvais à gagner
Car outre les marrons,
Parfois ils me filaient des ronds,
Pour voyager dans mon esprit vagabond.
A quinze ans,
Après les décollages à coup de colle
Il fallait bien que je m’envole,
Que je vole pour de bon.
Mais il fallait des ronds.
Alors de plus en plus,
Je fréquentais
Des châtaigniers
Qu’en voulaient toujours plus,
Alors je m’abaissais,
Le fric pomper.
Et j’en avalais du fric,
Surtout celui des plus grands,
Des plus vieux. Au portefeuille béant.
A seize, la capitale.
Après tout, je voyais que je pouvais gagner ma vie.
Je savais que là-bas, pour s’envoler c’était le paradis.
Bienvenue en enfer me signala le panneau
A l’entrée de la vile.
Le routier qui m’avait prise et pas qu’en stop
Me déposa après un passage chez un pote.
Il me jeta pour être exacte.
Comme tous après l’acte.
Je ne connaissais personne
Et la première nuit, je la passai avec un pont,
Sous une épaisse couverture de journaux,
Dont certains n’avaient pas eu le temps de prendre l’eau.
Je m’étais mis en tête de trouver un boulot sur le trajet.
Je n’en pouvais plus de cette vie à gerber.
Et les brumes de la drogue s’estompaient parfois.
Souvent pour me dire qu’à l’intérieur il faisait froid,
Et c’est elle qui venait me réchauffer.
Mais je ne pouvais pas non plus continuer.
C’est que l’amour je l’ai vécu.
C’est aussi celui de grand’papa qui m’a vaincue.
Mais le souvenir de papa et maman restait
Malgré l’ignominie et la folie.
Fort comme un roc,
Saillant tel un soc.
Et moi, si laide,
Ne méritant pas aide…
Maman… papa…
Néant… trépas…
A dix-sept ans, j’avais tissé un réseau,
Avec mon dealer de Jojo,
Mon Maque La Matraque
Joséphine ma coloc’ de squat,
Maria, ma mère de substitution,
Subutex maternel,
Lorsque je dev’nais moite
A force de prostitution,
De sexe dans le gel.
Que méritais-je de mieux ?
Et au moins,
J’étais plus chez les vieux.
Au moins,
J’enfournais plus son gâteau de gâteux.
Ô moins !
Moins que rien…
Juste une putain…
Papa… maman…
Ce froid… trop grand…
Après m’être faite défoncée,
Me défoncer…
Défonce après défonce…
Et pas une once…
Une once de ce qu’on appelle amour…
Je me rappelle plus… amour…
Je me rappelle… amour…
Maman « je t’aimerais toujours »
Partie pour toujours…
Papa « ma petite amour »
Oui, petite… puis plus d’amour…
…
Vite !
…
Un shoot…
…
…
Ça y est, je touche au but…
Je ne veux plus… être pute…
Pfuittt ! Je sens la fuite…
Et puis la brume…
Elle m’enveloppe,
Moi la salope,
Ahhh… cette brume…
Posthume…
………
……
…
..
.
jeudi 17 mars 2011
Douce France III
Je suis le fruit d’une norme NF.
Sans capote on cabota
Et me voilà !
J’vais essayer d’être bref,
Vous raconter ma vie française
D’un gosse précoce
Qui à trois ans n’était plus gosse
Lorsque papa disait d’se taire.
Puis à quatre ans Noster Pater,
A cinq Ave Maria.
A six je me signais aux repas.
J’avais une bible
Qui m’indiquait la cible,
Fallait qu’je sois sensible,
Et toujours disponible.
A sept, j’avais déjà mon aube
Et me levais à l’aube.
A huit, déjà formaté,
C’est le missel que j’récitais.
A neuf ans, je découvrais la vie
Avec monsieur l’curé
A dix je m’prosternais devant Marie
Pour m’sieur l’abbé.
La bouche pleine de ses sermons
Sortants du pantalon.
J’avalais tout pour être pur.
Ne m’avait-on pas dit que tous étions impurs ?
J’enviais souvent jésus tranquille sur sa croix,
Souffrant d’une souffrance pleine de foi.
A onze, le collège.
Millier d’enfants pas comme moi.
La religion ?
C’est pour les cons.
Quel sacrilège ?!
Voir ma vie perdre sa foi.
Me trouver con
A croire ces affabulations.
C’est impossible, j’ai trop souffert
C’est impossible, mon cœur est vert.
A douze ans, biologie
Où j’ai appris
Le sens du mot pénis,
Que l’élixir est la semence.
Que seul le vice
S’est déversé à outrance.
A treize,
J’allais en reparler
Avec monsieur l’abbé.
Ce fat obèse.
Je voulais le confessionnal,
Il me dit de sortir
Qu’il fallait me punir
Après l’oral je passai l’anal.
A quatorze ans,
La peur était tout l’temps,
Une peur funeste
D’avoir inoculé la peste
Cette semence
Qui avait éclot
Après arrosage de sanglots
Sur une lancinante démence.
Je n’pouvais plus parler,
J’avais trop peur,
Trop peur…
Y’avait l’abbé…
A quinze ans, dev’nu autiste,
Mes parents se réjouirent
De me voir tant prier.
Pour eux j’étais pas triste
La foi avait tissé son empire
Et je m’accomplissais.
A seize ans, toujours seul,
Je me voyais dans un linceul,
La délivrance au bout du doigt.
Mon père avait un beau fusil,
Souvent j’allais le caresser,
Sentant palpiter le bois,
Cette crosse qui luit,
Pale lueur qui m’invitait
A m’en aller.
A dix-sept, j’appuyai.
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