lundi 5 juillet 2010
7 juillet : houle et perspectives (journal demer, la suite)
La houle nous accompagne depuis deux jours, certainement plus. Je sens ma patience qui s’érode et j’ai de plus en plus hâte de retrouver la terre ferme. J’ai l’ennui prégnant et la peur tenace, coincé entre le gris du ciel et le bleu trop profond de l’océan. Des yeux et des caresses me manquent, malgré la sympathie des personnes qui m’entourent.
On doit me réveiller pour que j’assure mes quarts (le temps est assez abstrait lorsque l’on est loin du monde), et j’ai demandé à Yann qu’on me réveille au moins de façon originale il y a trois jours. Ce fut chose faite le lendemain, avec un inattendu réveil… au trombone ! Mais le clou de mes réveils, qui m’a ému presque jusqu’aux larmes, eut lieu il y a deux jours. Ils ont été peut-être une dizaine à se mettre à l’entrée de ma cabine, et à entonner une ritournelle dans un canon à cinq voix, parsemé de rires. Je n’ai pu que fondre en rire, nu comme un ver, sous la couette dans laquelle je m’emmitouflais. Vous auriez du les voir tous ! à rigoler comme des potaches, chantant avec application malgré tout… De la belle, franche et joyeuse humanité.
Et donc, malgré cela, je sens l’appel de la terre, de ces yeux et regards. Je ne me sens pas fier sur ma frêle forteresse, sans cesse titubant, serrant les mâchoires sous les assauts d’une eau qui m’apparaît tantôt merveilleuse, parfois terrifiante, toujours mystérieuse.
Entremêlées, ce sont la solitude et la liberté sociale qui creusent leur absence. J’entends par « liberté sociale », cette possibilité de naviguer entre différents individus et groupes au gré de nos envies. Car se retrouver dans un périmètre restreint, avec toujours les mêmes personnes, implique une retenue et une adaptation de tous les instants. Cela permet évidemment de se découvrir autrement et de révéler des facettes de sa personne pas ou peu utilisées – comme ne pas juger, gommer ses a priori ; se découvrir impatient, stressé et pas seulement angoissé.
Je renoue là-bas aussi avec mon attrait pour l’astronomie. Me plonger dans les étoiles et dans l’immensité narquoise de l’univers. J’ai rarement pu mieux appréhender ma fragile et insignifiante condition d’être humain. En même temps que je m’aperçois que j’y tiens et cherche à m’y accrocher comme un beau diable, à chaque vague venant s’écraser sur mon équilibre et vérifier la théorie de la gravité qui nous aimante à la Terre. Gravité aussi cette façon que j’ai de dramatiser mes rapports à la vie ; ceux, également, que j’entretiens avec autrui.
Dans ce contexte si particulier, je peux aussi entrevoir – ce que je déteste – mon irritabilité face à la médiocrité (ma médiocrité) ; au fait que je ne supporte pas non plus que les choses ne se déroulent pas comme j’aimerais : que ce soit pour des peccadilles comme une place que je voudrais occuper et qui n’est pas vacante, ou que nous n’arrivions pas assez vite à mon goût, ou pour des raisons primordiales comme de se réaliser.
Enfin, ma tension monte. Je retourne en France. Pourquoi ? Pour qui ? Dans quel but ? Qu’y trouver ?
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
3 commentaires:
superbe
Enregistrer un commentaire