lundi 4 juin 2012

Plumé







Prendre le stylo comme on prend le train
Voyager en entier
Flotter dans l’ersatz quotidien
Ne s’en extraire qu’au prix
Qui n’en est pas.
Se mouvoir dans l’immobile
Sentir le vent qui frotte
Laisser couler son substrat
Sur vierges effeuillées
Sa substance sur les rails
Déjà trop gorgés de gens
Se noyer dans un vers d’os
Avoir le vertige de son propre vide
Et y sombrer.

jeudi 19 avril 2012

Le guignon du guignol



Je cherche, cherche, cherche…

A percer l’abcès purulent

D’une folie qui se fait grandissante et aguichante

Le pus s’étend déjà jusqu’à la moelle

Le pire étant qu’il suinte, apparent,

Perlant des pores.

D’ailleurs le port s’éloigne

A mesure que m’emportent ces vagues folles,

Elles m’emmènent un peu plus loin,

Là où les vagues s’écrasent sur des vagues.

Et elles m’emmènent un peu plus loin,

Là où l’écume se change en rage.

Et elles m’emmènent un peu plus loin,

Là où nulle barque ne débarque,

Là où nulle bouée ne saurait éviter,

Eviter la noyade.

mercredi 11 avril 2012

Néancolie




Néancolie, j’ai face à moi la néancolie,

Au-dedans de moi la néancolie,

Dans tes yeux sirupeux la néancolie,

Dans le froid de ce sol, de ces vitres et ces écrans, la néancolie.

La néancolie c’est quand je regarde et ne sens rien.

La néancolie, c’est quand je goûte et ne perçois rien.

La néancolie c’est quand je sens et ne ressens rien.

La néancolie, c’est quand je touche et n’entends rien.

La néancolie, c’est la mort sans vie.

La néancolie, c’est la vie sans mordre.

La néancolie, le repoussoir des sentiments, le racloir de nos crânes, le desséchoir de notre humidité, le purgatoire de nos idées.

La néancolie, c’est les petits riens qui sont devenus le Grand Rien.

La néancolie, je la vois dans mon miroir lorsque j’ose le regarder encore.

La néancolie ne m’effraie plus, elle a pris le dessus.

La néancolie ce sont mes cris d’orfraie à la pensée de « faire ».

La néancolie, lorsque bonheur et malheur ne sont plus.

La néancolie, par-delà bien et mal, la léthargie du quotidien.

La néancolie, mon suicide en faim…

jeudi 16 février 2012

2012 : en vœux tu, en voie las.


Voilà bien longtemps que je n’ai plus écrit…

Les mots me hantent et ne s’extirpent plus…

Voilà bien longtemps que je n’ai plus vécu…

Je consume tout et ne suis plus en vie…

Les vapeurs sirupeuses de mes nuits sont mon ennui

Les chaleurs ne sont plus qu’artifices

Et l’amour mon sacrifice.

Les odeurs spiritueuses forment mon alibi

Tandis que je n’assume plus que mes « boire »

Dans les cohortes de mes déboires.

J’échoue avant même que d’essayer.

Je joue à des jeux qui n’ont aucun enjeu.

Je me stipendie en vue de me liquider.

Je me rachète au rabais au travers de misérables excuses.

Je me rejette en entier en simulant la ruse.

Ne t’en fais pas… la sortie n’est pas loin… il suffit juste de.

lundi 2 janvier 2012

Où il fait nuit


Le jour qui tombe,

La nuit qui se relève.

Tentatives d’assassinats,

Lampes et néons toujours luttant.

La nuit se bombe,

Le jour c’est sûr s’achève.

Omnipotence sans postulat,

Lampes et néons vont fléchissant.

Opacité et cécité

Maîtres à satiété

De la sombre cité

Proie alitée

Aux artères désertées

Les veines tranchées

Déversant la mort

Dans de lugubres cellules

Où le chat dort

Le chien tape la pilule

Le rat se marre

Le bar se barre.

Sombre nuit

Sombre folie

L’insomnie

Encore m’en nuit.

mercredi 14 septembre 2011

Thanatomorphose




Reste droit, ne te retourne pas, mais n’oublie rien.
Souviens-toi, bien sûr tu pleuras, n’oublie rien.
Et ce ne sera pas le travail qui t’inventera,
Qui relèvera les ruines fumantes de sentiments tiédis,
Ce ne sera pas l’argent qui t’enchantera,
Qui meublera tes émotions sous emballages fleuris.

Il est des cadavres qu’on ne doit déterrer,
La nécrophilie ne ressuscitera pas ton palpitant.
Pâle pitance amère et moisie du passé,
Ne restera que chair, au goût absent.

Dans la pestilence des relents d’amours desséchées, avance.
Dans la puanteur putride des sentiments vérolés, avance.
Ne prends pas gîte dans les cimetières
Où les morts grattent à la recherche de ton cœur
Ne traîne plus les charniers délétères
Où résident encore de suffocants effluves de bonheur.

Il est des cadavres qu’on ne doit déterrer,
La nécrophilie ne ressuscitera pas ton palpitant.
Pâle pitance amère et moisie du passé,
Ne restera que chair, au goût absent.

vendredi 2 septembre 2011

Douce France VI






Je suis le fruit d’une norme NF,
Une capote qui capota,
Et me voilà !
J’vais essayer d’être bref,
Vous raconter ma vie française
D’un gosse précoce
Qui à trois ans faisait négoce
Avec ses parents
Au sortir de leurs champs.
« Des bras, des jambes et du cœur »,
Ce qu’ils me disaient en chœur.
« La vie c’est un labeur
Et nous des travailleurs ».
Je savais bien parler déjà
Et avais du gommer le non
De mon vocabulaire.
« Va-t’in traire eul’ vach
Sinon tu t’in vo avir eun’ claque ! »
Oui papa ! je m’en vais de ce pas
Me mettre au charbon,
Les vaches je vais les traire et sans braire
Récolter le lait,
Mériter mon repas.
A quatre, mon père me rossa,
J’étais tombé avec trois bûches sur les bras,
Et j’ai cogné ses tibias,
Il fit tomber son tabac
Avant de m’y passer – à tabac.
J’ai commencé à le craindre
Et loin de moi l’idée de geindre.
Après tout, pour mériter pitance,
Ne devais-je connaître souffrance ?
S’ils m’ont désiré puis accouché,
Ne leur devais-je de travailler ?
C’était si dur de m’élever,
Que je ne pouvais que les aider.



A cinq ans, je fêtais pour la dernière fois
Mon anniversaire en famille.
Après tout, « inviter tout l’monde ça coûte,
Et si in travaille nin, commint qu’on va gagner sa croûte ?.
Eul’ timps c’est d’l’argint,
Du bon timps, ça rapporte rin.
Tout y s’paie et in paie
Que si on a de quôi.
Pis pour avir eud’quôi,
In vind à ceux qui paient. »
J’apprenais bien mes leçons disait maman,
Avant même que je n’aille à l’école.
Tu es un bon garçon, pas un feignant,
Pas comme ceux qu’tu verras à l’école.
Justement à six ans,
J’en poussais les portes,
Car on est obligé à six ans,
Jusque seize avant qu’on en sorte.
Me demandant ce que c’était,
Et surtout à quoi ça sert de lire
Et de compter, quand tout ce qui comptait,
C’était de travailler.
Mais travailler pour eud’vrai.
Pas pour toutes ces coses,
Qu’in veut nous faire avoler,
In plus à côté eud’ brayoux
Qui faut tout di qui braient.
A sept ans,
J’étais bien mince,
Mais je savais,
Que j’étais le plus musclé.
Et au moins, je savais me servir de mes pinces.
Pas comme tous ces vauriens
Qui connaissaient même pas leurs mains.
Bien sûr j’étais tout seul à la récré,
Mais comment me mélanger
A ces gamins pour qui tout tombait tout fait ?
J’aimais mieux m’en tenir
A essayer vainement d’apprendre à lire.



A huit ans, j’étais trop mauvais et trop lent,
Mon instit’ voulait rencontrer mes parents.
Ça les a bien fait rire papa et maman,
De quoi qu’y s’mèlent ces gins ?!
Qui n’savo nin commint qu’in cultive un chimp ?
J’espérais juste que papa allait pas lui rentrer d’dans…
Parce qu’il avait les boules que cette bonne femme
Se permette de me juger « mauvais élève »,
Alors que je connaissais déjà tout du travail aux champs,
Alors pourquoi voulait-elle que j’me lève
Pour parfois aller apprendre des chants ?
J’veux dire, elle était pas méchante,
Juste qu’avec ses cours elle était chiante.
Finalement, mes parents n’y allèrent pas,
Des leçons à leur donner, elle en avait pas.
A neuf ans, je dormais pendant les cours,
Le travail à la ferme, les devoirs tous les jours,
Impossible pour moi.
A la maison, ça gueulait que j’travaille pas,
A l’école la maîtresse se foutait d’moi.
Toujours dernier, avec des colles où j’allais pas.
Ben non, mercredi je m’occupais des oies.
Et finalement, on me vira.



A dix ans une assistante sociale se présenta,
Voulant savoir ce qui n’allait pas.
Mon père la reçut avec fracas,
Et c’est bleuie qu’elle s’en alla.
Ce que mon père ne devina,
C’est qu’au final on me plaça.
Devant des gendarmes aguerris,
Il se résolut à lâcher son fusil.
Emm’nez-le c’bon à pus rin !
Si in peut pas faire bosser ses gamins,
Commint qu’on gagne sin pain ?
Barrez-vous bande eud’vauriens !
Barrez-vous avint que j’vous foutent eul’gueule dins l’purin !
Si y’avot nin d’honnêtes paysins, vous n’mingerios pus rin !
Et c’est ainsi qu’il me renia,
Ma mère en retrait qui pleura.
C’est l’assistante qui au foyer m’accueillit…
Croyant bon pour moi un bagne à petits.
J’y resterais quatre ans,
Et devant des gamins effrayants,
Parfois me cognant,
J’appris à lire pour m’évader,
J’appris à ne rien dire pour éviter…
Eviter les voir rire et se moquer,
Eviter le pire : les galvaniser.
Six fois l’an, maman quand même venait.
Mais ça n’était jamais facile :
Quand mon père et elle allaient à la ville,
Elle pour quelques courses acheter,
Et lui pour picoler.
Toujours trop bourré,
Alors il la laissait
Enfin en paix.
Et à nouveau elle pleurait,
Je ne pleurais jamais.
Je l’ai appris avec papa,
Ça m’a servi : pour qu’on me cogne pas.
Et chaque fois je lui disais de le laisser.
Maman, faut t’en aller.
Comment veux-tu ? si je le faisais,
Il me tuerait.
Elle n’est jamais partie,
Mais pourtant il l’a fait.
Je l’ai appris,
Deux ans après.



Juste à la fin de ma vie
Dans ce foyer délabré.
Dans la bibliothèque il y avait
Les journaux du comté.
On avait des voisins,
Les Macarez,
Une grande famille,
Grand’père, grand’mère,
Deux de leurs fils et une seule fille,
Pour l’un deux une femme,
Pour la fille un mari
Et leurs portées.
En rentrant un beau jour de juillet du marché,
Bien plus tôt qu’à l’accoutumée ;
Les légumes s’étaient arrachés,
Et le stock épuisé, mon père s’en est rentré.
C’est là qu’il surprit,
Ma mère et le volage mari
De la fille Macarez.
Chatouilleux du fusil,
Quatre balles il leur avait collé.
Une pour ma mère et trois pour le mari.
Les coups partis,
Il s’en alla les enterrer.
Mais tout ce bruit
Et le mari
Qui ne rentra jamais,
Virent déparquer la police
Et ses plus fins limiers
Un jour de fouille et d’interrogatoire leur suffit
Pour retrouver les corps à moitié dévorés dans le fumier.
Ça, les cochons se sont bien régalés.
Et je compris enfin pourquoi
Cette dernière année au foyer,
Ma mère ne vint pas me pleurer.
La gorge serrée,
Tout ce que j’espérais,
C’est qu’elle eut pris son pied
Plus souvent qu’à son tour
Dans les bras du vautour
De fils Macarez.
J’ai aussi hésité à aller voir mon père,
En prison le lyncher…
Mais c’eut été trop d’honneur
Pour celui qui ma vie et ma mère avait bousillées.



A quatorze ans devant mes progrès,
En lecture, en maths et en dictée,
L’assistante revint me trouver…
A nouveau pour m’emmener
Dans une pension de bonnes sœurs.
Après le bagne le cathé…
J’aurais finalement pu
Plus mal tomber.
Le problème c’est que j’me faisait chier…
Un Dieu auquel je ne croyais,
Et dix prières dans la journée…
Bien plus que je n’eus pu supporter.
Alors forcément je fuguais,
Il n’y avait pas de gardiens en uniforme
Comme au foyer,
Et déjà les formes
D’une fille de la ville m’attirait.
Tous les dimanches à la messe on se voyait.
Et c’est elle qui la première
M’envoya un message.
Message dont fermées les paupières,
Parfaitement je peux me rappeler.
Et je revois son visage…
Ses yeux d’un bleu sucré,
Sa bouche d’un rose foncé…
Et ses regards en dérobée…
Combien de fois y ai-je rêvé ?



Chaque dimanche j’attendais son billet,
Et toujours je lui répondais.
J’avais enfin compris que lire,
Avait une finalité…
Autre que fuir,
Ça permettait d’aimer…
Dimanche c’était trop peu,
Il nous fallait
Un plan échafauder.
Ça ressemblait à un jeu,
C’était notre vie qu’on jouait !
Alors un mercredi de mes quinze ans,
Du pensionnat je m’enfuyais.
Et le gamin errant,
Ils ne le retrouvèrent jamais.
Car ma Céline avait un cellier,
Au fond de son jardin,
Où ses parents n’allaient jamais.
C’est là que je vivrais, toute ma vie à tes côtés.
Ô ses baisers !
Ses lèvres rose foncé…
Fiévreux enfiévrés…
Deux ans de plus que moi
Et son bac à passer…
Je n’étais rien,
Vaurien dans une cabane en bois…
Elle me parla du bac…
Si je l’ai je m’en vais.
Tu n’auras pas ton bac !
Mes parents ne le supporteraient jamais
Tu n’as qu’à t’en aller…
Je ne peux pas, je ne suis pas comme toi.
Tu ne m’aimes donc pas ?
Si je t’aime, mais j’ai ma vie à gagner !
Mon père ne pensait qu’à la gagner,
Et c’est la vie que ma mère a perdu.
Moi aussi, mais je l’ai retrouvée,
Grâce à toi qui m’a embrassé…
Et moi je ne veux plus.
Qu’est-ce que tu veux dire ?
Je veux dire qu’il te faut partir.
Mais ma place est là, à tes côtés !
Je ne peux plus, je dois réviser,
Et puis j’ai les études que je vais commencer.
Mais ta place est ici ! à mes côtés !
Tu ne comprends pas,
Ma famille n’acceptera jamais…
Viens ! Viens avec moi !
On est pas du même monde, mais toujours je t’aimerais…
Devant l’immonde de cette pensée,
Je fuis à toutes jambes ma Céline, mon aimée.
Je décampais de cette ville,
Et pour la première fois depuis mon premier jour au foyer,
Des larmes se mirent à perler, à m’inonder.



Ô ma Céline me reniait !
J’étais mort, à nouveau mort, mort de honte d’exister.
J’allais apprendre la rue,
La violence, la drogue et la famine.
Tous les trois mois je changeais de ville,
Sans but, sans exister.
Puis un beau jour, un beau jour de juillet,
Arrivé à Paris,
A peine arrivé…
Je vis Céline…
Je vis Céline…
Au bras d’un costumé.



Toujours sublime,
Et ses lèvres rose foncé,
Ses lèvres rose foncé,
Se mélangeant avec famine
Dans celles avides de son ignoble fiancé.
J’ai vu Céline,
J’ai vu Céline.
Et je n’ai pas rêvé.
Là sur le pont,
Au bras de son ignoble fiancé.
Là sur le pont,
Où enfin j’écris…
J’écris Céline,
Je crie Céline…
Là sur le pont,
L’eau est profonde,
Je vois Céline,
J’échouai Céline,
Quand je n’avais rien demandé…
Céline dans ces lignes obscures…
La Seine ridée
Qui me murmure
De l’embrasser.
Céline, dans mes larmes se mêlant aux flots…
Céline, enfuie dans mes larmes en flots…
Je te laisse comme tu m’as laissé…
Ma sinistre enveloppe de peau
Ne vivant qu’au passé
Va se fondre dans l’eau…
Moi, ton ignoble fiancé.