lundi 1 mars 2010
12 juin (suite), Isle-aux-Morts (journal demer, suite)
Après ma randonnée, je me trouve soudainement pris d’une sensation des plus bizarres… Rejoignant la ville et ses rares rubans d’asphalte, soudain, la terre ne semble plus si dure sous mes pas. Presque mouvante. Les images deviennent floues, les contours des bâtiments n’ont plus rien de droit. Ma tête bourdonne, les sons ne me parviennent plus directement. La terre tangue ! C’est donc cela le mal de terre…
Perdant toute notion, j’essaie de me raccrocher au tangible, à des repères courants. C’est tout naturellement que je me retrouve au bar, où presque tout l’équipage s’est donné rendez-vous. Dehors le temps est maussade comme le village, et il fait froid. Pour autant, je ne reprends pas pied tout de suite. Il me faut un Jäger et deux Molson pour que l’équilibre se rétablisse. Je rejoins alors le bateau, quelques heures, pour me réchauffer et me changer avec toute cette pluie qui a imbibé mes vêtements durant cette marche solitaire.
Le soir, nous sommes peu nombreux à rallier l’unique rade du bled. Et comme à Cap-aux-Meules, seuls Erwan et moi restons jusqu’à la fin. Bien nous en prend puisque nous passons une excellente fin de soirée, à écouter les autochtones usant d’une guitare, disposés en cercle et chantant à l’unisson. Au crépuscule de la soirée, nous sommes tellement familiers du lieu et de ses convives que nous finissons par parler avec tout le monde, et surtout les tenancières. Nous passons même derrière le bar, le temps de pixéliser l’instant sur mon appareil. Vers minuit ou une heure (qui semble plutôt cinq ou six heures du matin), l’endroit ferme ses portes, et nous nous résignons à rentrer. Le vent s’est levé et soulève quelques toits de tôle qui mugissent dans la nuit – les Morts de l’Isle semblent se réveiller, et c’est avec soulagement que j’aperçois la silhouette rassurante du Rara dans la pénombre du minuscule port.
Les phrases qui suivent sont extraites du journal que je tenais à bord (comme la plupart des lignes que vous lisez, seulement, je les réécris souvent apportant plus de détails, au gré des souvenirs. Rassurez-vous, tout ce qu’il y a ici est vrai, selon ma vérité, mais je ne fabule pas sur les évènements et les faits. Quant à mon univers intérieur, il est forcément de fables et d’imagination), seulement, je ne parviens qu’avec peine à les déchiffrer… Elles ont été écrites à mon retour de soirée, selon toute vraisemblance. Que je ne me réfugie pas derrière une excuse toute faite : ça n’était pas la mer, mais moi qui tanguais. Les voici, en V.O. :
« Mes mains comme des araignées sur la jointure de mes genoux, tissant autant de fils insignifiants sur celui de ma vie. Existant ! Pourtant… »
Apparemment, une insomnie est venue spolier mon sommeil, et je me retrouve « entre deux cigarettes au petit matin. That’s it, that’s all… auraient-ils coutume de dire. Mais la lande est là. Mais le vivant existe, malgré les films. Je ne suis plus chez moi quand existent les connes de raies. Pourtant je suis une raie. Sur le dos. Se mirant face contre sol, sciée, lascive et lessivée. J’abdique. »
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2 commentaires:
c'est beau et bien écrit, pitaing, ça fait envie ... Des bises .
Merci, ça me réchauffe. Et oui, c'était foutrement beau.
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