mercredi 9 juin 2010

27 juin : La communauté autonome




Après les voiles, pour palier au manque de vent, nous avons remis les gaz en partie pour tenter d’atteindre les Açores au plus tôt, afin d’en apprécier les contours quelques jours.



Phénomène étrange, mais chaque jour, en fin d’après-midi, nous avons la visite de troupes de dauphins venant s’égayer à la proue du bateau. Ils jouent avec les vagues et les ondes produites par l’avancée du Rara. Ces animaux téméraires sont fascinants. Comment ne pas craindre l’espèce assassine et génocidaire qu’est l’espèce humaine ? Surtout que, contrairement aux chats et aux chiens, les dauphins ne se situent pas exactement sous protectorat humain…





Autrement, je me retrouve sous le coup de la surprise. En effet Yann, le capitaine, n’est pas un modèle d’autorité. Nous nous retrouvons libres, faisant des choix, prenant des initiatives, sans réelle coercition. Car nul autre membre d’équipage ne cherche à s’imposer, ni ne s’impose naturellement. Ainsi, nous évoluons dans une espèce de communauté autonome où des tâches sont allouées à des groupes de trois ou quatre personnes, avec un système de roulement, et dont le mot d’ordre semble être : si on ne le fait pas, fais-le. Si certains gestes sont induits, influencés par des paroles ou des demandes expresses, la grande majorité d’entre eux relèvent du libre-arbitre, et cela sans manifestation apparente de pression sociale.



Le plus surprenant est qu’un ordre hiérarchique est établi de facto : il y a un capitaine donc, un second « tacite » (je dis tacite, car c’est la somme de ses connaissances et compétences qui l’ont établi à ce poste pour le groupe), et quatre chefs de quart. Même ceux-là, dans des structures de quatre à cinq personnes n’imposent rien. Ils prennent des décisions, mais avec une concertation préalable. De plus, chacun a toujours son mot à dire ; quand bien même – en terme de navigation – la personne est novice.



Le phénomène de diffusion du savoir semble absous d’ascendance du « maître » envers l’apprenti. Et le plus souvent, c’est l’apprenti qui doit s’en aller quérir la connaissance. Ce qui est d’autant plus agréable, car je ne décèle aucune rétention de l’information.



L’individu, dans la communauté éphémère que nous formons, est respecté. Et pour le moment, si des traits de personnalité émanent de chacun, il n’est pas de « cases » figées dans lesquelles nous nous plaisons à placer chacun. La découverte de l’autre est progressive et s’effectue au gré des discussions et interactions. Ainsi, nous sommes des êtres en perpétuelle évolution, riches de nos expériences respectives. La notion de jugement d’autrui n’est pas encore perceptible à mon sens. Nous naviguons en fonction des idées, opinions et avis divers qui transitent dans notre présent.



Cette alchimie fonctionne sans accroc, et je suis curieux de connaître la suite des évènements, le déroulement futur de nos échanges. Cet équilibre en apparence solide résistera-t-il à la nature humaine ? Ne vois-je que la partie émergée de l’iceberg ? La quiétude et la douceur du ciel cèderont-elles à l’inquiétude et aux orages ?

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