samedi 18 décembre 2010

Douce France 1




Je suis le fruit d'une norme NF.
Une capote qui capota,
Et me voilà !
J'vais essayer d'être bref,
Vous raconter ma vie française
D'un gosse précoce
Qui à trois ans savait compter ses bosses
Lorsque maman l'avait mauvaise.
A quatre ans, je découvris l'école,
A cinq les colles.
A six je savais faire les courses.
J'avais une bourse,
Et sorti des cours
Fallait qu'je coure
Acheter des clopes
Avant qu'on ne m'éclope.
A sept, j'entamais la musculation
Grâce aux bouteilles de Picon.
A huit, déjà musclé,
Ce sont les packs que je portais.



A neuf ans j'ai découvert la vie
Avec maman pleine d'envies.
A dix, j'eus plein de papas
Qui me montrèrent comment on devenait papa.
A onze, je déménageais de mon placard
Pour aller dans l'armoire.
A douze je n'achetais plus
Mais allais vendre pour maman
Des plantes dans la rue.
A treize ans je découvrais l'afghan
Et quittai ma maman.
A quatorze ans me retrouvant
Elle m'emmena voir les papas
Et je n'pus faire caca
Pendant dix jours.
La dixième nuit
Se termina l'orgie,
Et je m'enfuis,
Espérant pour toujours.
Je restais à l'hôpital
Dix nouveaux jours,
Où j'ai appris
A dormir dans un lit,
On me dit pale,
Et je souris à ce premier amour.
A quinze ans on m'envoya
Dans un foyer pour pauvres gars,
Mais je m'enfuis
En pleine nuit.
Je plaquai tout
Pour vivre en boue.
Je fis des arbres mes amis.
Je leur parlais de mes envies
D'être accueilli,
Enfin admis.



A seize ans je rebroussais chemin
Quittant mes chers amis
Pour trouver un demain
Chez mes contemporains.
Mais avant,
Je voulus voir maman
Et je passai chez moi
Le cœur en proie
Aux pires effrois
Espérant que papas
Seraient pas là.
Qu'il n'y aurait que moi,
Et ma maman.
Je n'avais jamais rien demandé
Mais une question brûlais.
La porte était ouverte,
J'étais alerte
Au moindre cri,
Au moindre bris.
Tout était calme,
Juste une télé,
Tout était calme,
Sauf la télé.
Je risquai un œil dans l'embrasure
Pour être vraiment sûr.
Maman était couchée
Dans le canapé,
Des canettes vides
Jonchant le sol,
Et son œil vide
A parabole.
Cinq minutes passèrent,
Juste pour une prière.
Ça y est, je m'avançais,
Ça y est, je le faisais.



"M…Maman ??"
Elle grommela,
Et se tourna vers moi.
Un long frisson me parcouru
Et j'ai bien cru que je n'aurais pas su.
"Quoi ?! c'est à c't'heure-ci qu'tu rentres ?!
"Mais maman, je suis parti depuis un an…
"Qu'est-ce j'en ai à foutre ! T'as ramené à boire à ta mère ?
"Non, ce n…
"Tu vas t'en prendre une !
"Mais mam…
"FERME-LA et va acheter à boire ! J'ai soif !
"Ce n'est pas…
"T'as pas compris ?! Tu veux qu'j'appelle tes pères ?!
"Non, non, ne fais pas ça…
"Alors boucle-là et vas chercher des bières à ta pauvre mère… Tu vois pas que je souffre ?! j'ai tellement mal, j'ai tellement soif…
"D'accord m'an, mais tu voudras bien me répondre à une question ?
"T'as intérêt à aller chercher les bières, sinon tu sais ce qui t'attend !
"Mais tu me répondras ?
"Vouais ! on verra…"
Je repartis, les yeux en bruine,
Le cœur en ruines.
J'allais acheter les bières
Avec l'argent de ma mère.
J'en ai bu une en route,
Evacuer mes doutes.
A mon retour,
La porte était toujours ouverte,
Et seule crépitait la télé.
J'entrai dans le séjour,
Et fis la découverte
Des spectres de mes nuits hantées.



Ils étaient là,
Deux grands papas.
Et ils me regardaient.
Comme un gibier.
Mon geste fut automatique,
Avant que je n'abdique.
Une canette parti,
Une autre la suivi
Jusqu'à l'épuisement du stock.
Sauf une, que je gardai,
Faire exploser leurs cloques.
A seize ans, moi j'ai tué deux grands,
Et demandai à ma maman :
"Maman, pourquoi être maman ?"
Le combiné en mains,
Elle ne me répondit jamais,
La seule réponse qui vint
Furent des sirènes au loin
Qui m'emportèrent à tout jamais.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce fut un bel article à lire, je vous remercie pour le partage.

Anonyme a dit…

Formidable texte! Je note l'adresse de votre blogue.

Accent Grave