vendredi 11 février 2011
Douce France II
Je suis le fruit d'une norme NF,
Une capote qui capota,
Et me voilà !
J'vais essayer d'être bref,
Vous raconter ma vie française
D'un gosse précoce
Qui à trois ans savait rouler sa bosse
Dans toutes les rues d'une cité-malaise.
A quatre ans je découvris l'école,
Et à cinq les colles.
A six je les connaissais tous,
Momo, Dédé et Mouss.
Maman partie travailler,
Je m'occupais dans la cité.
Les grands m'adoptèrent tôt,
Voyant ce p'tit marmot
Qui gambadait,
Seul et paumé.
A sept ans ils firent mon éducation,
Me montrant comment être garçon.
A huit ans, Maman toujours sans sous,
Je décidai l'aider pour nous.
A neuf ans, déjà bien grand,
J'étais marchand,
Toujours un plan
Pour vendre aux grands.
Je rabattais l'client,
Ils me payaient comptant.
A dix ans, je découvris ce que j'vendais.
La première fois, mon corps a refusé,
Et j'ai gerbé.
La deuxième fois, mon corps était
Anesthésié.
A onze ans, je rencontrai Nico,
Un p'tit nouveau
D'un an de plus,
D'un cran de plus.
On prit des plans ensemble,
Rêvant que les grands tremblent.
A douze, on décidait de pousser les vitesses,
Et de trouver nouvelle ivresse.
Maman continuait à travailler,
Moi j'apprenais à dealer.
D'ailleurs Nico m'a bien aidé,
Et quelques mois passés
A fidéliser nos réguliers
Nous firent découvrir
Le vrai métier.
Toujours s'enfuir
Pour pas sentir le poulet.
Mais ceux-ci m'emmenèrent vite
Dans leurs cages.
Ma pauvre mère ses yeux en fuite,
Et moi en rage.
Bien sûr que je n'allais pas arrêter
Et respecter de simples volatiles
Qui ne comprennent rien
A nos besoins.
De simples pouvoirophiles
Qui veulent le bien
Des sans-besoins.
A treize ans mes poumons
Ne furent plus seuls
A profiter des poisons,
Et ce n'est pas du tilleul
Qui circulait dans mes veines.
Je devenais absent
A la mauvaise haleine.
Même plus présent
Pour ma mère pourtant ma reine.
A quatorze, Nico et moi
Nous attaquâmes
De plus près à notre âme.
Déjà sans lois ni foie,
Nous devenions sans foi et cois.
Et le liquide n'abreuvait plus nos corps
Par une bouche avide
Mais par intraveineuse.
Nous nous croyions très forts
La tête toute vide,
Les problèmes en veilleuse.
A quinze ans,
Je devins errant,
Un chien sans niche
Et sans caresse,
Gamin de triche
Et de paresse.
Ma mère toujours très pauvre,
Mon but toujours en pauvre.
Pour me fournir en extasiant,
Je devenais petit brigand.
Mais petit deviendra grand,
Je gravissais l'échelle du sang.
Avec barreaux faits de larcins,
Faits de couteaux et de violence.
Déjà caïd en ma cité, je disposais de larbins,
Comme moi auparavant dans leur petite enfance.
A seize ans vinrent les barreaux,
Les vrais cela,
Faits en acier.
Et on me fit la fête des p'tits nouveaux,
Des bans d'bouts là,
Faits en acier.
L'heure de la douche,
Etait l'heure du crassage,
L'heure de dormir,
L'heure de vomir.
Et dans ma bouche,
Il n'y avait plus que rage.
Peut-être avais-je été
Un délinquant,
Peut-être n'avais-je pas respecté
Les lois
Mais j'avais surtout été
Un pauvre enfant,
Et avais respecté
Les toi.
Ici j'appris bien plus que je ne pouvais comprendre,
Et la nature humaine, celle qui fait pendre,
Se révéla à moi comme l'obscurité révèle le corps d'une inconnue
Bien mieux que le regard.
Et c'est à ce moment que je mourus,
L'enfant remisé au placard.
A dix-sept, quand je sortis,
Je ne m'aperçus que la cage
M'avait fait devenir lion.
Et mon anus bouffi,
Maculait mon visage
De larmes en putréfaction.
Je rejoignis ma mère et ma cité.
Elle me serra, je la cognai.
Comment accepter des caresses
De celle qui m'avais fait subir
Une vie de sécheresse,
Où le mal ne côtoie que le pire ?
A part moi, je décidai
De me venger.
Plus une proie, je décidai
De dévorer.
Alors, pour me refaire
Et puis défaire,
Je repris les affaires,
Mais sans cette fois qu'elles me reprennent.
Quitte à porter des chaînes,
Autant que ce soit moi qui ferme le pêne.
J'arrêtais donc le piston
- après un ou deux fixs
pour fêter ma sortie de zonzon -
et arrêtais les rixes
de bas quartier
pour m'en aller les perpétrer.
Ce ne fut pas facile,
Et je fus pris dans la tournante
A maintes reprises.
Ce fut même difficile,
Et je fus pris dans la tourmente
Faute de prises.
A dix-huit ans,
Je commençais à m'en sortir.
Un trafic de titan,
Je bâtissais mon empire.
Discret et entouré
J'entrais dans la mafia
A petits pas.
Posé, pas défoncé,
L'heure viendra
Où je sonnerai le glas.
A dix-neuf,
Mes habits neufs,
Et ma BM,
Je me fis crème.
Crème de mafieux,
De celui qu'on r'garde pas dans les yeux.
Plus de la beuh,
Mais de la C & de la brune,
Plus de teushi,
Mais des teupus & des guns.
Un portefeuille heureux,
Auquel j'ai accroché une brune.
Une vie qui luit
De luxe, de stupre et de fun.
A vingt ans,
Je voyais grand,
Et ne me contentai
D'être chef du quartier.
Plus question de ne défoncer
Que quelques rues,
Je pris parti
De m'installer
Dans toutes les rues,
D'y régner en marquis.
A vingt-et-un,
Je me vis vain.
J'avais plongé dans mon dégout,
Et jusqu'au cou.
La belle merde que j'avais fustigé,
C'était moi qui la dispensait.
Et je pris la mesure
De ma démesure,
La totalité
De mon absurdité.
En terme de vengeance,
Je n'avais que semé la souffrance,
Mais pas pour me venger,
Pour pavoiser.
Je vis l'abîme,
Je vis mon crime
Au flambeau,
Qui après moi se transmettrait.
Aux salauds,
Qui après moi pulluleraient.
Et tous ceux
Que j'avais envoyé à la taule,
Et tous ceux
Croupissant dans leur piaule.
Je me vis déprimant dépravé,
Je me vis et ma mère harassée.
Je me vis plein d'écume libéré,
Je me vis plein de thunes enchaîné,
Je me vois, gâchette au bout du doigt.
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1 commentaire:
quel beau et dur réalisme poétique
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