samedi 18 décembre 2010

Douce France 1




Je suis le fruit d'une norme NF.
Une capote qui capota,
Et me voilà !
J'vais essayer d'être bref,
Vous raconter ma vie française
D'un gosse précoce
Qui à trois ans savait compter ses bosses
Lorsque maman l'avait mauvaise.
A quatre ans, je découvris l'école,
A cinq les colles.
A six je savais faire les courses.
J'avais une bourse,
Et sorti des cours
Fallait qu'je coure
Acheter des clopes
Avant qu'on ne m'éclope.
A sept, j'entamais la musculation
Grâce aux bouteilles de Picon.
A huit, déjà musclé,
Ce sont les packs que je portais.



A neuf ans j'ai découvert la vie
Avec maman pleine d'envies.
A dix, j'eus plein de papas
Qui me montrèrent comment on devenait papa.
A onze, je déménageais de mon placard
Pour aller dans l'armoire.
A douze je n'achetais plus
Mais allais vendre pour maman
Des plantes dans la rue.
A treize ans je découvrais l'afghan
Et quittai ma maman.
A quatorze ans me retrouvant
Elle m'emmena voir les papas
Et je n'pus faire caca
Pendant dix jours.
La dixième nuit
Se termina l'orgie,
Et je m'enfuis,
Espérant pour toujours.
Je restais à l'hôpital
Dix nouveaux jours,
Où j'ai appris
A dormir dans un lit,
On me dit pale,
Et je souris à ce premier amour.
A quinze ans on m'envoya
Dans un foyer pour pauvres gars,
Mais je m'enfuis
En pleine nuit.
Je plaquai tout
Pour vivre en boue.
Je fis des arbres mes amis.
Je leur parlais de mes envies
D'être accueilli,
Enfin admis.



A seize ans je rebroussais chemin
Quittant mes chers amis
Pour trouver un demain
Chez mes contemporains.
Mais avant,
Je voulus voir maman
Et je passai chez moi
Le cœur en proie
Aux pires effrois
Espérant que papas
Seraient pas là.
Qu'il n'y aurait que moi,
Et ma maman.
Je n'avais jamais rien demandé
Mais une question brûlais.
La porte était ouverte,
J'étais alerte
Au moindre cri,
Au moindre bris.
Tout était calme,
Juste une télé,
Tout était calme,
Sauf la télé.
Je risquai un œil dans l'embrasure
Pour être vraiment sûr.
Maman était couchée
Dans le canapé,
Des canettes vides
Jonchant le sol,
Et son œil vide
A parabole.
Cinq minutes passèrent,
Juste pour une prière.
Ça y est, je m'avançais,
Ça y est, je le faisais.



"M…Maman ??"
Elle grommela,
Et se tourna vers moi.
Un long frisson me parcouru
Et j'ai bien cru que je n'aurais pas su.
"Quoi ?! c'est à c't'heure-ci qu'tu rentres ?!
"Mais maman, je suis parti depuis un an…
"Qu'est-ce j'en ai à foutre ! T'as ramené à boire à ta mère ?
"Non, ce n…
"Tu vas t'en prendre une !
"Mais mam…
"FERME-LA et va acheter à boire ! J'ai soif !
"Ce n'est pas…
"T'as pas compris ?! Tu veux qu'j'appelle tes pères ?!
"Non, non, ne fais pas ça…
"Alors boucle-là et vas chercher des bières à ta pauvre mère… Tu vois pas que je souffre ?! j'ai tellement mal, j'ai tellement soif…
"D'accord m'an, mais tu voudras bien me répondre à une question ?
"T'as intérêt à aller chercher les bières, sinon tu sais ce qui t'attend !
"Mais tu me répondras ?
"Vouais ! on verra…"
Je repartis, les yeux en bruine,
Le cœur en ruines.
J'allais acheter les bières
Avec l'argent de ma mère.
J'en ai bu une en route,
Evacuer mes doutes.
A mon retour,
La porte était toujours ouverte,
Et seule crépitait la télé.
J'entrai dans le séjour,
Et fis la découverte
Des spectres de mes nuits hantées.



Ils étaient là,
Deux grands papas.
Et ils me regardaient.
Comme un gibier.
Mon geste fut automatique,
Avant que je n'abdique.
Une canette parti,
Une autre la suivi
Jusqu'à l'épuisement du stock.
Sauf une, que je gardai,
Faire exploser leurs cloques.
A seize ans, moi j'ai tué deux grands,
Et demandai à ma maman :
"Maman, pourquoi être maman ?"
Le combiné en mains,
Elle ne me répondit jamais,
La seule réponse qui vint
Furent des sirènes au loin
Qui m'emportèrent à tout jamais.

mardi 30 novembre 2010

5h5O




5h5O, mauvais trip, tu chopes personne.

Personne ne te retient.

Tu es là, comme un con, à siroter ta bière.

5h50… le bad… se lever demain, raide comme hier.





Mais tu es là ! Oui !

Toujours là… forcément, il est 5h50…

Tu fumes une clope… ou plutôt…

La clope se consume…5h50…

Les cendres tombent sur tes cheveux…

Ce qu’il en reste…

5h50…. On fait plus dans l’j’aimerais…

On fait dans ce qui passe…

5h50… et les bougies toujours allumées…

On aimerait bien brûler…

5h50… faudrait voir à dormir…

Toujours debout ?!

Oui, on s’érige, il est 5h50…

Ce soir, ou ce matin…

Il est 5h50…

Et je m’érige !

Etre sans être…

La belle affaire !

5h50…. Il n’est plus 5h50…

Je m’en vais paître… mon oreiller… mon drap, et mes tissus.

5h50…

Il est l’heure, de ne plus en avoir.

5h50…

Ça recommence.


samedi 25 septembre 2010

6 novembre : tirer la chasse




Rennes, quartier Sainte-Anne. Un demi après un nouvel entretien d’embauche qui ne me donne envie que de me débaucher. Et même pas une vieille morue à se mettre sous la bite ?! J’irais bien aux putes, mais impossible de savoir où c’est.

Depuis trois jours, arrivé en Bretagne pour… écrire ! Haha ! La belle affaire… Ecrire… comme si c’était un but en soi… Ecrire, comme si agiter son stylo rendait plus heureux ou, ne serait-ce que plus « vivant. » Ecrire… le seul moyen peut-être d’échapper à ce fléau que l’on nomme piteusement « travail ». Costume, pompes cirées, courbettes,… Pompe ! Le deuxième demi arrive.

Jouer sa pute, toujours. Se faire payer pour l’effort… Et combien l’effort est grand quand il s’agit de graisser la patte huileuse de portefeuilles dégoulinants ! Il n’est de pire sentiment que celui de ne pas en avoir. Quoique… je me sens un lépreux parmi les pestiférés. Un décalage né d’un décalage en lui-même. Je suffoque de ne parvenir à respirer. Le poids de la ville, la pesanteur de la campagne… Les foies de la villes, l’apesanteur de l’alcool. Je suis un être hagard dans le fruste d’un hangar. Je suis le couguar dans une forêt de lions. Je peine à griffer la patte d’une quelconque musaraigne. Je fais le règne du moi quand je ne maîtrise que ma fuite… et encore !

L’affrontement porcin entre moi et moi n’est que charcuterie. Andouille, sale ami, gens bons, porc ce laid, gens bêtes, saut 6 ! Je prends l’ascenseur 27 pour mes noces de sans, étage – 32. Au 36ème dessous j’émarge de mon 34 ½ avec moi-même.

Emarger… En pleine page mon inconséquence. Je suis un inclus, perclus de mots et démos. Démonstration de ma présence, démonstration de mon absence. Des monstres à Sion, à Babylone, à Rome, Athènes, Pékin et New-York et là mec, là. Je confesse que con, fesses et queue font bon ménage. Que je hais les ménages. Je ne puis souffrir d’être pris pour un con quand je ne suis qu’une queue. Immense, ridicule, fistulaire et vulvaire. Mes tripes se défont dans les luttes intestines du bien et du mâle ; dans les guerres fratricides du grain et du graal. Il faut bien bouffer, non ?!

Rennes, donc. Mais Klesseven. Lieu-dit de chasse et de paix, de place et de pets. Réveillé au son des fusils, agressé par le chant des oiseaux ne chantant plus et hurlant à la mort.
Le feu qui avale le bois, le vent qui souffle le feu, l’eau qui imprègne le pas, le pas prisonnier des fusils.



Ecrire… voyez la vacuité du procédé. S’il ne s’agissait que d’écrire… C’est être qui a disparu. La violence me ceint. De havre il n’est que Klesseven. Réveillé au son des canons, réveillé au son des voitures… les assassins dans l’acier. Assez ri ! Car il s’agit d’écrire, pas d’exister.

mardi 21 septembre 2010

27 août

Cambrai, cambrésis. Les barreaux de ma geôle durcissent. Ce sont des troncs multi-séculaires en titane. Des étrons multi-sellulaires de profanes. Mais plus rien ne se profane ici. On dort sur des matelas Cofidis, et on se branle devant sa télé Cégétel, pendant que le Crédit à picole nous finance un prêt hypno-précaire.

Tout le monde est sympa. Ça s’appelle la solide irritée. Du cul ! On a les parois anales à toute épreuve dans le nord. A force de se faire enculer et de trinquer à chaque étape… On paie le droit d’être gentil, avenant. Dans ce monde de requins, nous sommes les baleines. Si fortes et si imposantes qu’elles ne s’en aperçoivent. .. et se font bouffer petit bout à petit bout par des mâchoires trop aiguisées, qui nous taillent en miettes.

lundi 20 septembre 2010

Journal de terre, 6 août 2008




Le retour au pays est avéré. J’ai la quasi-impression de n’avoir jamais quitté ces terres désolées du Nord. Et j’insiste sur le « désolées ». Quel laborieux et gris univers que ces plaines plates à en mourir. La misère suinte de chaque brique, la pauvreté dégouline des trop nombreuses canettes jonchant le bitume. Oh, bien sûr, « les gens sont charmants », accueillants et serviables, mais derrières ces apparats sociaux reconnus habitent la violence et le mépris de soi, dans la remise, au fond du gamin.

samedi 24 juillet 2010

10 juillet : fin du voyage (journal demer)



Enfin j’aperçois les premières lueurs des phares bretons. Juste avant d’amarrer à Camaret, une dernière épreuve nous attend, et sous le crachin sur un pont glissant, nous devons effectuer des manœuvres serrées pour affaler les voiles au plus tôt dans une nuit d’encre. Après quelques cafouillages, nous y parvenons sans dommages.



Je n’ai qu’une hâte à présent, c’est de poser le pied sur le sol qui m’a vu éclore. L’attente est insupportable, et je refuse de retourner dormir pour être le premier à fouler la terre. Au petit matin, nous mouillons enfin dans le charmant petit port de plaisance de Camaret. Là, je motive les troupes pour que l’on m’emmène d’urgence en zodiac dans la ville.



Plus que quelques mètres à parcourir, et déjà mon pied se soulève… et vient prendre contact. Qu’attendais-je ? une étincelle ? une vague de chaleur ? un étourdissement ? Non, rien ne me vient. Qu’un sol plus ferme et une terre inamovible. Presque déçu. Pourtant, c’est avec joie que j’aperçois les commerces aux enseignes qui m’ont l’air si familières. Un petit crème et un paquet de clopes « fumer tue » suffisent à mon bonheur du moment. Ainsi donc la voilà cette France… génial. L’épuisement peut me regagner en même temps que nous regagnons le bateau. Après une bonne sieste, je me sens prêt à aller découvrir les alentours. J’ai cru apercevoir quelques falaises au loin, et je sais qu’un site mégalithique m’attend.







J’y vais avec Clément, et l’émotion des paysages me bouleverse. Comme c’est beau ! Ces roches découpées et cette mer qui vient s’écraser sur elles me fascinent. Je suis chamarré, perdu, heureux. Je l’ai fait ! Je l’ai fait ce voyage magnifique ! Je l’ai affronté cet océan… Je me sens en paix, en harmonie. Pour une fois je me sens presque fier de l’accompli. Je crois même m’être dit que je pouvais mourir maintenant, mais le sentiment qui domine est surtout : VIVRE !





D’ailleurs le soir, tout l’équipage est sur le pied de fête, prêt à dévorer ces ultimes moments ensemble. Et c’est une vraie fête avec des gens heureux d’être et de vivre à laquelle je participe. Certes l’alcool, mais être en leur compagnie me ravi. Je les aime intimement, tous, autant qu’ils sont. Dans leurs défauts et dans leurs qualités, ils sont magnifiques d’être simplement vivants. Il y a eu aussi les larmes de la fatigue et de notre aventure commune qui touche à sa fin, mais bon sang ! tant de joie et d’efforts nous ont réunis…



Cette expérience reste encore la plus belle de ma vie, surpassant tout…. Excepté l’amour.

lundi 5 juillet 2010

7 juillet : houle et perspectives (journal demer, la suite)




La houle nous accompagne depuis deux jours, certainement plus. Je sens ma patience qui s’érode et j’ai de plus en plus hâte de retrouver la terre ferme. J’ai l’ennui prégnant et la peur tenace, coincé entre le gris du ciel et le bleu trop profond de l’océan. Des yeux et des caresses me manquent, malgré la sympathie des personnes qui m’entourent.

On doit me réveiller pour que j’assure mes quarts (le temps est assez abstrait lorsque l’on est loin du monde), et j’ai demandé à Yann qu’on me réveille au moins de façon originale il y a trois jours. Ce fut chose faite le lendemain, avec un inattendu réveil… au trombone ! Mais le clou de mes réveils, qui m’a ému presque jusqu’aux larmes, eut lieu il y a deux jours. Ils ont été peut-être une dizaine à se mettre à l’entrée de ma cabine, et à entonner une ritournelle dans un canon à cinq voix, parsemé de rires. Je n’ai pu que fondre en rire, nu comme un ver, sous la couette dans laquelle je m’emmitouflais. Vous auriez du les voir tous ! à rigoler comme des potaches, chantant avec application malgré tout… De la belle, franche et joyeuse humanité.



Et donc, malgré cela, je sens l’appel de la terre, de ces yeux et regards. Je ne me sens pas fier sur ma frêle forteresse, sans cesse titubant, serrant les mâchoires sous les assauts d’une eau qui m’apparaît tantôt merveilleuse, parfois terrifiante, toujours mystérieuse.

Entremêlées, ce sont la solitude et la liberté sociale qui creusent leur absence. J’entends par « liberté sociale », cette possibilité de naviguer entre différents individus et groupes au gré de nos envies. Car se retrouver dans un périmètre restreint, avec toujours les mêmes personnes, implique une retenue et une adaptation de tous les instants. Cela permet évidemment de se découvrir autrement et de révéler des facettes de sa personne pas ou peu utilisées – comme ne pas juger, gommer ses a priori ; se découvrir impatient, stressé et pas seulement angoissé.



Je renoue là-bas aussi avec mon attrait pour l’astronomie. Me plonger dans les étoiles et dans l’immensité narquoise de l’univers. J’ai rarement pu mieux appréhender ma fragile et insignifiante condition d’être humain. En même temps que je m’aperçois que j’y tiens et cherche à m’y accrocher comme un beau diable, à chaque vague venant s’écraser sur mon équilibre et vérifier la théorie de la gravité qui nous aimante à la Terre. Gravité aussi cette façon que j’ai de dramatiser mes rapports à la vie ; ceux, également, que j’entretiens avec autrui.

Dans ce contexte si particulier, je peux aussi entrevoir – ce que je déteste – mon irritabilité face à la médiocrité (ma médiocrité) ; au fait que je ne supporte pas non plus que les choses ne se déroulent pas comme j’aimerais : que ce soit pour des peccadilles comme une place que je voudrais occuper et qui n’est pas vacante, ou que nous n’arrivions pas assez vite à mon goût, ou pour des raisons primordiales comme de se réaliser.



Enfin, ma tension monte. Je retourne en France. Pourquoi ? Pour qui ? Dans quel but ? Qu’y trouver ?

jeudi 1 juillet 2010

4 juillet : de la démocratie



Tiens ?! mais c’est l’indépendance américaine ! Si seulement ils pouvaient l’être – indépendants…

Le moteur bâbord qu’on a rallumé faute de vent, fume foutrement et ils s’en branlent. Bon, tant que ça pète pas, ça me va. Sinon, en parlant avec Brenda tout à l’heure, on se posait la question : qu’adviendrait-il de notre groupe si celui-ci en arrivait à s’échouer sur une « île déserte » ? LA fameuse question… Comment s’organiser ? qui s’énerverait ? Comment gérer le fait qu’il y ait (un peu) moins de femmes que d’hommes ? quel rationnement des vivres ? qui chercherait à s’isoler ? à construire ? à repartir ?



Et bien entendu, la question du leadership s’est posée, ne trouvant pas de réponse – même si le statut du capitaine lui confère d’emblée un rôle décisionnaire ; sa personnalité n’incarnant pas l’autorité, ni Brenda, ni moi n’avons imaginé qu’il prendrait la tête du groupe sur le long terme. Puis, comme je le constatais quelques jours plus tôt, il s’est avéré que nous n’avons pas pu nous décider pour un quelconque meneur. A tel point que cela me laisse présager que dans un ensemble humain comme le notre, une organisation non hiérarchique semble tout à fait envisageable et viable : à s travers une démocratie réelle où ce seraient les décisions – et non ceux qui les prennent – qui seraient votées.

mardi 22 juin 2010

3 juillet : braver les océans, sans être brave... (journal demer)



Nous avons quitté les Açores il y a déjà deux jours. Je tente en vain d’esquisser mon futur, ma rentrée… Plus d’un an et huit mois que j’ai effectivement quitté la France, les perspectives m’apparaissent nombreuses, mais aucune ne s’impose. Pire, comme souvent chez moi… tout me tente… et rien ne me fait envie. D’autant que j’aperçois déjà les nuages couvrant le soleil, dont le nom est argent ou travail.



A part cela, les Açores ont été comme je l’espérais : magnifiques, enchanteresses, avec un goût très prononcé de trop peu.



De ce fait, nous revoilà partis à l’eau, le bateau roule plus que jamais (il balance de gauche à droite sans discontinuer), et j’ai du mal à le supporter, mon estomac et ma peur se disputant pour savoir qui des deux emportera la pression la plus forte. Certainement aussi parce que l’étincelant soleil des Açores a laissé place au gris de nuages que le vent incessant ne parvient à chasser. Certainement parce que cet intermède açoréen est le dernier avant un retour sur des terres qui me manquent, mais que je crains ne pas retrouver comme je les ai connues – ou pire ! – les retrouver sans que rien n’ai changé… malgré des changements apparents. Et le miroir des yeux de mes proches… va-t-il refléter ma vieille image ou une nouvelle ? Serais-je encore pour eux ?

samedi 19 juin 2010

30 juin : Horta, plantes, planteurs et volcans (journal demer)





Cap sur Faial et la ville de Horta. L’escale obligatoire de tout navire de plaisance effectuant la traversée de l’Atlantique. L’arrivée est impressionnante. A bâbord, c’est l’île de Faial, avec sa caldeira qui domine tout, et à tribord, c’est Pico, la point culminant du Portugal, qui émerge de l’océan soudainement et dresse fièrement ses 2351 mètres. L’île aux pirates comme on se l’imagine. D’autres surprises nous attendent. Le port de Horta est couvert de fresques des navigateurs transatlantiques, signant ainsi leur passage, car ne pas laisser de trace porterait malheur… et la marine est faite de superstitions.





Contrairement à Flores, Faial est beaucoup plus urbaine, et l’on y trouve un peu toutes les boutiques occidentales qui parsèment désormais le monde entier. Malgré cela, le mode de vie est resté très traditionnel, et l’on sent que le tourisme de masse n’a pas encore droit de cité ici. Mais les bons groupes s'affichent sur les poubelles, haha !



A mon arrivée, je décide de partir seul à la découverte des lieux, et me rend tout droit au jardin botanique. Il faut dire que les Açores, loin de tout, sont peuplées d’espèces endémiques. Il en va ainsi du trèfle à quatre feuilles, qui chez nous est une dégénérescence de nos trèfles à trois feuilles. Tandis qu’ici il est la norme, mais en voie de disparition (les superstitieux en seraient-ils la cause ?). Sur le chemin, je vois en effet de drôles de plantes, comme ci-dessous, une monstro-plante (heureusement, Jayce n’est pas loin).







Le soir venu, nous nous sommes tous retrouvés, les jeunes et moins jeunes du Rara et du Bel Espoir, pour sortir dans les bars et boîtes de la ville. Pas mal d’entre nous ont fini la tête à l’envers, au moins me suis-je senti un peu moins seul le lendemain à l’heure de la gueule de bois. Mais pas suffisamment mal pour remplir mon programme du jour : la Caldeira.





Avec Lionel et Vincent, nous avons donc entrepris de faire tout le tour de l’ancien cratère, effondré sur lui-même. Nous imaginions de beaux panoramas là-haut, ils étaient en fait magnifiques. Tout en haut, on apercevait forcément le Pico et toute l’île de Faial, et un petit bout de terre, véritable paysage lunaire. Le plus surprenant étant ce phare, au milieu des terres et qui ne sert plus à grand-chose. En fait, j’ai appris par la suite qu’il y a une cinquantaine d’années, en une nuit, la terre est sortie des eaux grâce à l’activité volcanique. Et ce sont trois ou quatre kilomètres carrés de terre noire qui sont sortis des flots, agrandissant nettement le jardin de quelques habitations.








Ce soir, nous quittons les Açores. Cette fois, l’heure du retour a sonné. 8 nouveaux jours sans voir la terre, puis, la France. Qu’est-elle devenue ? Ai-je hâte ou ne veux-je pas rentrer ? Je n’en sais plus rien…



dimanche 13 juin 2010

29 juin : Flores, ses hommes et ses fleurs (journal demer)





Aujourd’hui dimanche sur l’île de Flores. Hier après-midi, nous avons fait du stop à plusieurs pour trouver une bonne âme qui veuille nous amener plus loin dans les terres. Ainsi, après quelques kilomètres passés à l’arrière d’un pick-up, on nous dépose au bord d’un lac formé dans un ancien cratère. Le retour au bateau prend alors une allure de randonnée bucolique, à travers champs, pâtures et pâturages, mais surtout d’innombrables étendues de fleurs, notamment d’immenses haies d’hortensias bleues qui s’étirent sur toute l’île. Les panaches de nuages s’accrochant paresseusement aux sommets laissent une impression d’irréel, et parfois l’on ne sait plus si l’on marche sur la terre ou le ciel.





Le soir, en traînant (une fois de plus) les quelques rades de la ville – à ma connaissance au nombre de cinq pour les quelques 1500 habitants que compte la ville (pour un total de 4000 sur l’île entière) – nous avons fini par rencontrer quelques autochtones qui nous ont invité à nous joindre à un grand repas public traditionnel, se déroulant aujourd’hui dimanche.



En fait, nous avons appris que chaque dimanche sur l’île, les paroisses invitaient les gens à un grand repas, ouvert à tous et totalement gratuit. Les villes et villages de Flores organisant ces banquets à tour de rôle.

Emergeants péniblement un peu après midi (nous remettre de la soirée de la veille), Yann et moi sommes donc allés en ville en quête de la salle où se servait le déjeuner. Après quelque errance, nous avons finalement décelé un grand attroupement autour d’un bar. En fait, le bar attenant à la salle paroissiale. A l’intérieur, environ deux cents places assises, toutes occupées. Prêts à rebrousser chemin, nous nous renseignons auprès des personnes à l’entrée, qui nous disent que c’est le deuxième service, que nous pourrions participer au troisième, et que de toutes façons, vu le monde, il y en aurait certainement un quatrième.



Enfin, les places se libèrent et nous entrons dans une grande pièce aux apparats catholiques. De grandes tables sont installées, avec des bancs de chaque côté. Chacun se place où il veut ou peut et nous trouvons place entre une famille portugaise typique et un couple… moitié français et moitié portugais qui réside ici, sur Flores. La foule est familiale. Tous les âges se côtoient, et l’on voit vite que tout le monde ou presque se connaît. Pour autant, nous ne nous sentons pas à l’écart, au contraire ! La soupe de poissons est délicieuse, et on nous sert boissons et mets jusqu’à plus faim et plus soif. Pour preuve, alors que nous terminons presque une bouteille de vin, une dame arrive qui nous sert le fond de la bouteille et nous en ramène une autre illico.



Une fois la panse bien pleine, nous avons rejoint Laurent et Gérard installés en terrasse du café d’à côté. Ce sont tous les vieux de l’île qui semblent se retrouver ici, pour discuter, jouer aux cartes ou prendre un café ou une bière. Pour nous, les bières s’enchaînent jusqu’à ce que nous revenions tous un peu éméchés vers le bateau prêt à larguer les amarres pour nous emmener à Horta, notre prochaine destination dans les Açores. Le cœur me pince de quitter si tôt ce petit paradis, mais avec la promesse d’en retrouver un très vite.